La Fédération Française de Généalogie, les sociétés Filae et Geneanet ainsi que DNA PASS ont été reçu par la sénatrice Muriel Jourda, rapporteuse au sein de la commission de bioéthique, afin de demander la légalisation des tests de généalogie génétique. Voici un résumé des échanges constructifs lors de cette audition d’une heure du mardi 10 décembre 2019.

Un agenda de sénateur

9h15, ayant bravé la grève générale des transports en commun, tout le petit groupe attend devant la porte de la salle de réunion. Deuxième audition de la journée pour la sénatrice, déjà dans la salle, porte fermée.

Nous entrons et nous voici installés, prêts à présenter nos arguments, ne sachant qui doit commencer. Nous nous sommes naturellement répartis des deux côtés de la salle, les quatre représentants des sociétés commerciales d’un côté, et en face, les quatre représentants des associations. Nous voici, par pur hasard, à égalité. Entourant la sénatrice Muriel Jourda, 4 personnes (!) et quelques auditeurs dans la salle. L’audition va démarrer à toute vitesse, pas de temps à perdre, il faut aller droit au but.

Muriel Jourda, sénatrice du Morbihan (LR), souriante et déterminée, nous invite à nous présenter dans le sens des aiguilles d’une montre. Elle a un agenda impératif serré. Elle me précisera à la fin de la séance enchaîner 6 autres auditions à la suite !

Qui a dit que nos élus ne travaillaient pas ?

Les arguments pour la légalisation des tests de généalogie génétique

Filae et Geneanet

Filae et Geneanet, les deux grands acteurs de la généalogie française, représentés par Toussaint Roze et Emmanuel Condamine pour Filae, Jacques Le Marois et Christophe Becker, pour Geneanet s’élancent successivement. Ils présentent leur activité et profil de société, nombre d’adhérents, visiteurs, services fournis avant d’enchaîner sur les tests de généalogie génétique. Ils expliquent l’intérêt de ces tests, pour la découverte des origines ethniques mais aussi de cousins génétique, un outil complémentaire pour la généalogie « classique ».

Chacun explique comme cette interdiction des tests de généalogie génétique leurs est préjudiciable dans leur activité, les laboratoires de généalogie génétique engrangent un nombre considérable de profils français génétiques et proposant à la suite un abonnement à leurs services directement concurrentiels à ceux actuels de Filae et Geneanet.

Ces tests sont particulièrement indispensables pour les DOM TOM et pour les régions où les archives ont été détruites lors de la Première Guerre Mondiale.

Ils insistent sur le fait que la RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données), et la notion de consentement éclairé, protège les français et protégera les données génétiques des généalogistes.

Un impératif pour eux, qu’il n’y ait pas de « sur-réglemantation » française par rapport aux services fournis par les laboratoires étrangers, afin de ne pas leur imposer des conditions de concurrences défavorables.

La France est une exception dans l’Union européenne avec la Pologne à maintenir l’interdiction de ces tests de généalogie génétique.

Geneanet rappelle les chiffres de leur sondage, à un an d’intervalle, avec un accroissement considérable des volontaires aux tests génétiques.

Je suis surprise, la présentation de chaque société a été expéditive, 8-10 minutes chacun seulement.

Muriel Jourda enchaîne les questions précises, pertinentes et démontre une maîtrise du sujet et de ses implications. Plutôt bon signe me semble-t-il.

« Certains laboratoires étrangers peuvent opérer avec peu de régulation dans leur pays. Pouvons-nous être concurrentiel en France sans déréguler ? » Oui, sans problème. Nous avons deux garde-fous que sont les tests de paternité et les tests médicaux uniquement accessibles par un ordre judiciaire ou une demande médicale.

« Peut-on, avec ces tests, préciser le lien de parenté ? » Ils sont indiqués en pourcentage. Il faut ensuite effectuer un travail de recherche généalogique.

« Dans le cadre d’un don de spermes, beaucoup de médiatisation a été faite sur un lien de parenté précis ayant permis de retrouver facilement le père biologique. » Un test de paternité concerne généralement un adulte et un mineur. Les tests de généalogie génétique sont effectués par des adultes consentants. Il ne faut pas oublier le consentement éclairé du RGPD permettant le droit de rétractabilité à tout moment.

La Fédération Française de Généalogie et DNA PASS

Valérie Arnold-Gautier est la première à s’exprimer en tant que Présidente de la FFG. S’exprimeront à la suite Alain Rossi, vice-président et Thierry Chestier, précédent président de la FFG.

Même exercice de présentation de la FFG, comme Filae et Geneanet, avec le nombre de fédération, son ancienneté, son implication internationale, le nombre de généalogistes en France et membres des associations.

Ensuite, les arguments s’enchaînent, successivement. De l’incompréhension de l’interdiction des tests, aux idées erronées et préjugés sur les histoires familiales, et notamment l’infidélité supposée des femmes contredite par les données scientifiques. Ils insistent sur l’indispensable protection des données génétiques ainsi que la fiabilité des tests génétiques médicaux (Alain Rossi, ancien médecin, précise quelques aspects techniques sur le sujet).

Thierry Chestier enchaîne en détendant l’atmosphère très concentrée. Il évoque d’illustres cousinages éloignés avec René Monory et Jean-Pierre Raffarin entre autres. Il se sent presque chez lui au Sénat. Rires. Ca fait du bien. Il rappelle encore à quel point il est étonnant que la France soit le seul pays, avec la Pologne, à interdire ces tests en Union Européenne, l’importance de la protection de ce patrimoine génétique s’envolant vers des bases de données étrangères, et la possibilité pour les français de pouvoir faire, ne serait-ce que par simple curiosité, lesdits tests en France.

Et voici mon tour arrivé, déjà, toute étonnée que chaque interlocuteur ait été aussi rapide. 6 minutes chacun. Expéditifs les trois représentants de la FFG.

Sur la convocation, il y avait précisé que c’était une audition d’une heure. Bon, ils ont annoncé une heure, mais c’est comme les réunions d’une heure au boulot, vous savez, celles où on commence à 9h et qu’on finit à midi. J’ai été vérifié sur le site du Sénat comment se déroulent les auditions publiques. Une heure, mon œil,  3-4h, se terminant tard parfois dans la soirée. Les auditions font aussi l’objet de captation vidéo et d’un compte rendu en ligne, je l’ai annoncé d’ailleurs sur les réseaux sociaux.

Bon, je me suis trompée, j’ai appris que c’est une audition de rapporteur, et qu’il n’y a ni captation vidéo ni compte rendu. J’ai rectifié le matin même sur les réseaux sociaux. Je ne suis pas une habituée de ces organismes et de leur fonctionnement. Vous savez, vous ?

En tout cas, j’ai tout préparé. Je suis une grande bavarde, je me connais, il n’y aura AUCUN débordement. J’ai préparé le texte, je le lirai. 30 mn au grand maximum, départ.

Me voici partie à raconter ma vie, la découverte des tests génétiques médicaux et généalogiques, etc, etc.

Silence attentif, je continue et continue, alors que ça s’impatiente du côté de la FFG, mais je tiens mon discours. Cela fait dix bonnes minutes que je lis mon texte, mais la sénatrice m’interrompt, poliment mais très fermement en me remerciant pour toutes ces informations passionnantes, mais me demandant d’aller droit au fait, et d’exposer les arguments techniques.

Coupée en plein élan, je demande des précisions, qu’attend-elle exactement comme information ? Il y en a tellement. Ok, bon, je zappe les pages, et fais un raccourci sommaire des arguments sur le droit aux origines en zappant les DOM TOM.

Muriel Jourda s’excuse de m’avoir demander d’écourter ma présentation, le temps est précieux. Nous nous séparons, et dans la salle, en tête à tête, je m’excuse auprès d’elle.

Elle m’apprend alors que c’est la course aux auditions, avec les six suivantes, et qu’elle est obligée de respecter scrupuleusement les timings annoncés.

Et là, grand moment de solitude ! Vous connaissez ces cauchemars où vous êtes à votre travail ou dans la rue en pyjama, avec vos pantoufles, sans vous être lavé ni coiffé les cheveux, ressemblant à un punk face à votre boss.

La convocation d’une heure était une convocation d’une heure. Qui a débordé de 10 bonnes minutes du coup. Pas de débordement chez les sénateurs, enfin là, si, à cause de moi…

Et je comprends enfin pourquoi ils étaient tous aussi expéditifs et incisifs dans leur présentation. Oh misère. Je me sens bête, mais bête. Heureusement pour moi, je suis tellement fatiguée que tout coule. Je voudrais me liquéfier en excuses plates et raplapla, me fondre dans le sol. Mais trop fatiguée pour le faire.

Immense moment de solitude quand même.

Muriel Jourda est charmante et s’excuse tout autant que moi de m’avoir interrompue dans ce texte qu’elle trouve bien écrit et intéressant (politesse ou sincère ?). Elle me demande de lui envoyer le texte complet qu’elle lira.

Et nous voici tous repartis, prêts à affronter la grève générale des transports pour rentrer.

J’ai envoyé l’email avec, pour me rattraper, une présentation sommaire et incisive (je sais faire, je sais faire) des 6 principaux arguments pour la légalisation des tests de généalogie génétique.

Muriel Jourda a eu l’amabilité de me répondre, en me précisant qu’elle le lira bien.

Vous avez le courage de le lire ? Je l’ai découpé en thématiques successives :

  1. Un test de généalogie génétique n’est pas un test génétique médical
  2. 67 millions de généalogistes en France
  3. L’identité génétique française
  4. Le Droit aux origines
  5. Légalisons les tests de généalogie génétique en France

Et oui, j’avais bossé sur mon argumentation.