En 2018, les tests génétiques à des fins ethniques et généalogiques ont été réalisés de façon massive en France. L’offensive commerciale de MyHeritage auprès des blogueurs, des influenceurs, de la publicité à la télévision et sur les réseaux sociaux a porté ses fruits. On peut estimer à un million, voire bien plus, les français désormais identifiés génétiquement dans les bases de données étrangères. Cette identification génétique n’est pas sans risques. Nous militons donc pour une légalisation des tests génétiques en France encadrée par la loi française.

Les tests ADN en France

Pour ceux novices en la matière, ayant découvert sous leur arbre de noël un coffret attrayant vantant l’intérêt de découvrir leurs origines ethniques, les conséquences de leur geste peuvent passer inaperçu. En envoyant leur salive dans un laboratoire étranger, vous livrez des informations généalogiques, mais aussi et surtout médicales, sur vous et sur toute votre famille. Cela concerne aussi bien vos ancêtres, que vos enfants, petits- enfants et arrière petits-enfants qui seront fichés génétiquement avant même d’être nés !

Faute d’informations impartiales sur les tests génétiques, vous n’avez pas réalisé les implications de votre geste.

Pour moi ayant réalisé mon premier test génétique il y a plus de dix ans, pour des raisons médicales, j’ai eu le temps de réaliser les avantages et bénéfices de ces tests, mais aussi les risques à ne pas sous-estimer.

Les principaux laboratoires étrangers : 23andMe, Ancestry, Family Tree DNA et MyHeritage livrent des tests pour certains depuis le début des années 2000. MyHeritage est le laboratoire le plus récent, s’étant lancé dans ce domaine depuis 2016.

Les tests sont commandés sur internet, livrés par la Poste à votre adresse en France (sauf Ancestry, mais il est facile de contourner cette difficulté) et vous accédez à vos résultats sur leur site internet avec votre mot de passe sécurisé. Vos données génétiques sont désormais stockées sur des serveurs étrangers gérés par des lois étrangères.

La loi de bioéthique 2019

Les tests génétiques sont autorisés partout en Union européenne, sauf en France et en Pologne. Dans le monde, nous pouvons notamment citer l’Iran et la Corée du Nord, comme autres pays interdisant les tests ADN.

En France, la prochaine loi de bioéthique intervenant tous les 5 ans sera votée durant l’été 2019.

Mais qu’est-ce qui gêne les députés sur les tests génétiques ?

Légaliser les tests ADN en France

La légalisation des tests génétiques en France permettra de mieux protéger nos données génétiques sensibles

Pour être intervenue devant certains d’entre eux le 26 mars 2019, nous avons pu mesurer les questions éthiques nombreuses dont ils se soucient comme le risque d’utiliser ces tests pour découvrir être un enfant illégitime ou retrouver des géniteurs donneurs de sperme, ou pour des enfants adoptés ou nés sous X la possibilité de retrouver leurs parents biologiques.

Nous avons pu leur répondre en présentant des éléments objectifs et factuels sur ces différents sujets.

Les événements non filiatifs, comme le fait d’être un enfant illégitime, ont fait l’objet d’études scientifiques. Ce risque est estimé à 1 % ! Pour les généalogistes québécois ayant démarré les études de généalogie génétique depuis 2002, il ont pu estimer ce chiffre à 0,5 % sur les 8 500 descendants d’immigrés français s’étant fait testés.

Pour les donneurs de sperme, la crainte serait de mettre en danger le principe de gratuité. Pour les enfants nés sous X, ce serait mettre en danger ce principe même, unique en Union européenne.

Or, le comité de bioéthique et la jurisprudence ont reconnu le droit aux origines. A la naissance, l’avis des parents a prévalu, certains souhaitant même pouvoir cacher parfois une adoption ou le recours à un don de sperme. Ces enfants, devenus adultes, peuvent enfin faire entendre leur voix, et ils réclament le droit de connaître leurs origines.

Pour les nés sous X, cette démarche passe par des forums Facebook, le service de détectives privés ou le recours à la CNAOP créée en 2002. Le test génétique est un outil de plus dans leur recherche légitime. Et bien souvent, lorsqu’ils retrouvent un de leur parent biologique, celui-ci révèle avoir été dans la même démarche de retrouver son enfant biologique.

Il ne faut pas non plus oublier l’essence de la loi des nés sous X. Cette mesure a été prise afin d’éviter les possibles infanticides. Or, nous avons malheureusement pu constater dans les faits divers ces terribles histoires de bébés retrouvés congelés, étouffés à la naissance, en dépit de cette possibilité offerte par la loi française.

Pour les donneurs de sperme, rien ne prouve que les donneurs seront moins nombreux. La crainte ne réside-t-elle pas plutôt dans le fait de voir les mêmes scandales éclater que dans les autres pays du monde ? Aux Pays-Bas, 49 (pour l’instant) jeunes adultes sont les enfants du même médecin ayant échangé les éprouvettes. Décédé en 2017, l’ancien directeur de la banque de sperme ne pourra pas être poursuivi. Une longue liste de scandales concernant des médecins indélicats a émaillé les journaux ces dernières années dans le monde entier.

En France, des voix commencent enfin à s’élever pour évoquer les futurs scandales de médecins français ayant utilisé leurs gamètes à la place de ceux des donneurs anonymes, et qui seront ainsi potentiellement identifiés par le biais de multiples demi-frères et demi-sœurs se découvrant via le test génétique.

Alors, qui les députés veulent-ils vraiment protéger ? Les enfants ou les géniteurs délictueux ?

Les risques des données génétiques françaises conservées à l’étranger

Les français se font tester et estiment normal de se faire tester génétiquement, que ce soit par curiosité ou à des fins généalogiques. C’est notre ADN, notre patrimoine génétique, et nous avons le droit d’accéder aux informations que ce patrimoine contient.

Notre patrimoine génétique permet aussi de construire la médecine de demain, la médecine personnalisée génétique. Le Plan France Médecine Génomique 2025 permettra à la France d’offrir à nos concitoyens les bénéfices incroyables de ces avancées, si des moyens financiers suffisants lui sont attribués.

En attendant, les laboratoires étrangers étudient nos données génétiques, revendent à des laboratoires médicaux lesdites données et procèdent à des études pour le moins dérangeantes, avec notre consentement.

LA RGPD, une protection insuffisante de nos données génétiques

La RGPD imposée par l’Union européenne protège nos données personnelles mais ne permet pas d’encadrer suffisamment l’utilisation de nos données génétiques à l’étranger.

En signant les conditions générales desdites sociétés commerciales, nous acceptons l’utilisation de nos données. Nous y participons même de façon volontaire, car les laboratoires comme MyHeritage présentent des études sous un fallacieux bénéfice scientifique.

C’est bien pourquoi nous souhaitons que la loi française encadre l’utilisation des données génétiques, dans l’intérêt général tout en protégeant les libertés individuelles.

Nous avons une liste de recommandations simples pour protéger les données. Espérons que nous serons entendus dès l’été 2019.