La commission de bioéthique du Sénat, présidée par le sénateur Alain Milon vient d’inclure l’amendement du rapporteur Olivier Henno afin de légaliser les tests de généalogie génétique en France. La loi de bioéthique incluant cet amendement sera examinée en séance publique à partir du 21 janvier 2020.

Loi de bioéthique, un amendement décisif adopté

Ce 8 janvier 2020, la commission spéciale sur le projet de loi relatif à la bioéthique a adopté le rapport d’Olivier Henno, Corinne Imbert, Bernard Jomier et Muriel Jourda et établi son texte sur le projet de loi, précédemment adopté par l’Assemblée nationale.

Parmi les 222 amendements proposés modifiant le texte de la loi de bioéthique, l’amendement d’Olivier Henno, sénateur du Nord, rapporteur de la commission de bioéthique, autorisant la légalisation des tests de généalogie génétique a été adopté par les 37 membres de la commission.

Il est à noter qu’un autre amendement visant aussi à légaliser les tests de généalogie génétique avait été proposé par les sénatrices et sénateurs Vincent Eblé – Seine et Marne, Jacques Bigot – Bas-Rhin, Marie-Pierre de la Gontrie – Paris, Bernard Jomier – Paris, Laurence Rossignol – Oise, Patrick Kanner – Nord, Maryvonne Blondin – Finistère, Yves Daudigny – Aisne, Michelle Meunier – Loire-Atlantique,  Yannick Vaugrenard – Loire-Atlantique, Catherine Conconne – Martinique, Jean-Luc Fichet – Finistère, Laurence Harribey – Gironde et Franck Montaugé – Gers. Ce second amendement a été retiré en commission spéciale au profit de l’amendement du sénateur Henno.

En dépit de l’interdiction desdits tests en France et de la menace d’une amende de 3 750 €, à raison de 100 000 français par an, plus d’un million et demie de français ont déjà effectué un test de généalogie génétique auprès de laboratoires essentiellement américains.

En incluant la légalisation des tests de généalogie génétique, les sénatrices et sénateurs ont fait preuve de pragmatisme en considérant que l’ineffectivité de l’interdiction actuelle menait à une situation particulièrement préjudiciable : la cession de données génétiques personnelles à des sociétés étrangères en dehors de tout contrôle et la délivrance d’informations génétiques d’ordre médical sans conseil délivré par des professionnels qualifiés.

Cette première victoire majeure va permettre l’examen en séance publique, du 21 janvier au 4 février 2020. Les 348 sénateurs seront amenés à voter sur cette version amendée de la loi de bioéthique.

Après la désillusion subie lors de l’examen de la loi de bioéthique par l’Assemblée nationale, la farouche opposition aux tests de généalogie génétique d’Agnès Buzyn, notre ministre de la Santé et des Solidarités, nous avons bon espoir que cet amendement sera adopté en séance publique. La légalisation est prévue dans le rapport de la commission des 37 sénatrices et sénateurs de la commission de bioéthique. Le sénateur Henno a en outre prévu des limites et contraintes aux tests de généalogie génétique, notamment sur le principal obstacle du détournement en « test de paternité », bloquant la légalisation. Nous avions eu l’occasion de vous l’évoquer dans le compte rendu de notre audition au Sénat. Nous reviendrons dans un prochain article détaillé sur cette assimilation aux tests de paternité des tests de généalogie génétique portant à confusion.

Cependant, dans sa volonté de garantir au maximum les tests génétiques, le sénateur Olivier Henno a prévu des mesures pouvant porter préjudice à l’effective mise en place des tests de généalogie génétique une fois la loi votée. Explications.

Mais que vient faire l’Agence de la biomédecine ?

Dans son amendement, Olivier Henno a imposé que : « Les examens des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique se conforment à un référentiel de qualité établi par l’Agence de la biomédecine en application du 9° de l’article L. 1418-1 du code de la santé publique. Cette conformité est attestée dans le cadre d’une procédure d’évaluation définie par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Agence de la biomédecine et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. L’attestation de conformité est transmise sans délai à l’Agence de la biomédecine. »

Nous pouvons envisager qu’un « référenciel de qualité » soit bienvenu pour garantir la qualité des tests de généalogie génétique, bien qu’aucun autre pays au monde n’ait imposé une telle procédure. Mais pourquoi le confier à l’Agence de la biomédecine ? Et qu’est-ce que l’Agence de la biomédecine ?

Emmanuelle Cortot-boucher, nouvelle directrice générale de l’Agence de la biomédecine, a présenté cet établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère de la santé. « Créée par la loi du 6 août 2004, dans la continuité de l’Établissement français des greffes. Ses activités se déploient dans quatre grands domaines qui ont en commun de requérir l’utilisation à des fins médicales ou scientifiques d’éléments ou de produits issus du corps humain : l’Agence de la biomédecine est ainsi compétente en matière de prélèvement et de greffe d’organes et de tissus, de prélèvement et de greffe de cellules souches hématopoïétiques – c’est-à-dire de moelle osseuse -, de procréation, d’embryologie et de génétique humaine. »

Et nous revoici dans la confusion des genres, sur laquelle je me bats depuis le début : un test de généalogie génétique n’est pas un test génétique médical.

A partir du moment où nous évoquons des « tests génétiques », l’assimilation est immédiatement faite avec le monde médical. Or, il existe différents tests génétiques. L’exigence de qualité d’un test génétique à des fins médicales n’est pas le même que celui d’un test de généalogie génétique.

Pour définir la différence, nous pouvons comparer les généticiens à des médecins. Chacun va se spécialiser dans un domaine différent, par exemple, la dermatologie ou la cardiologie. Ils sont tous deux médecins, cependant, si vous voulez rester en vie, je vous conseille de ne pas vous tromper de spécialiste en cas de suspicion de cancer de la peau ou de problème cardiaque !

Il en est de même pour les généticiens. Il existe des généticiens spécialisés dans le domaine médical et d’autres spécialisés en génétique des populations. Cette dernière discipline est celle se référant aux tests de généalogie génétique.

Vous avez compris l’analogie. En imposant la validation par l’Agence de la biomédecine, la commission de bioéthique du Sénat impose que le cardiologue définisse le travail du dermatologue.

Nous risquons de nous retrouver avec un référentiel qualitatif déconnecté de la réalité de la génétique des populations, inapplicable ou si spécifique au marché français que les laboratoires étrangers ne prendront pas la peine de le créer juste pour nous.

N’oublions pas que les laboratoires de généalogie génétique sont des entreprises commerciales visant à une rentabilité. L’exception française justifiera-t-elle une procédure spécifique, donc couteuse pour l’entreprise dans une gestion uniformisée des tests de généalogie génétique pour tous les pays ? J’en doute.

L’Agence de la biomédecine a toute autorité pour intervenir dans le domaine de la Procréation Médicalement Assistée. A défaut d’un organisme officiel représentant les généticiens des populations, les généticiens du Musée de l’Homme sont légitimes pour intervenir sur les tests de généalogie génétique.

En conséquence, si vous voulons toujours accéder aux bases de données de nos cousins génétiques, nous continuerons à acheter les tests de généalogie génétique standards des laboratoires étrangers dans le même contexte qu’aujourd’hui, dans l’illégalité, sans protection de nos données génétiques.

Voilà pourquoi nous devons continuer à nous mobiliser dans ce court moment jusqu’au 21 janvier 2020, afin de demander à nos sénatrices et sénateurs de voter pour l’amendement permettant la légalisation des tests de généalogie génétique standards internationaux.


Si vous souhaitez vous associer à cette démarche, vous pouvez vous inspirer du texte ci-dessous et l’envoyer à votre sénateur dont vous trouverez l’adresse email sur le répertoire du Sénat.


Madame la sénatrice, Monsieur le sénateur,

En dépit de leur interdiction en France et de la menace d’une amende de 3 750 €, plus d’un million et demie* de français ont déjà effectué un test de généalogie génétique auprès de laboratoires essentiellement américains.

En incluant la légalisation des tests de généalogie génétique, la commission de bioéthique du Sénat a fait preuve de pragmatisme en considérant que l’ineffectivité de l’interdiction actuelle menait à une situation particulièrement préjudiciable : la cession de données génétiques personnelles à des sociétés étrangères en dehors de tout contrôle et la délivrance d’informations génétiques d’ordre médical sans conseil délivré par des professionnels qualifiés.

Ayant réalisé un test de généalogie génétique  en toute illégalité dans garantie de la protection de mes données génétiques/ Souhaitant réaliser un test de généalogie génétique en toute légalité et avec la garantie de la protection de mes données génétiques, je vous demande de soutenir le vote du nouvel article 10 bis.

Cependant, la réalisation d’un référentiel par l’Agence de la biomédecine n’est pas légitime pour des tests de généalogie génétique n’ayant pas de finalité médicale. En outre, un tel référentiel serait une exception dans le monde dans la production standardisée de tests de généalogie génétique depuis 19 ans dans le monde. Cette exigence et exception mondiale risquerait de dissuader les laboratoires de généalogie génétique de s’y conformer. Nous, français, continuerions alors à devoir acheter les tests génétiques standards sans garantie de protection de nos données génétiques.

Voici pourquoi nous vous demandons la suppression du paragraphe 3 de l’article 10 bis.

En vous remerciant par avance pour votre soutien,

Recevez, Madame la sénatrice, Monsieur le sénateur, mes respectueuses salutations.

Prénom Nom, Ville de résidence

* 100 000 français par an effectuent un test de généalogie génétique depuis l’an 2002